Directive temps de travail pour les sapeurs-pompiers volontaires et les militaires

Publié le 05/11/2021 dans les catégories Economie

Patrick Hetzel cosigne une proposition de loi européenne visant à exclure les sapeurs-pompiers volontaires et les militaires du champ d’application de la directive européenne sur le temps de travail.

La directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, dite directive européenne sur le temps de travail (« DETT »), a été rédigée dans un but précis : protéger les salariés dans un contexte de dérégulation du marché du travail européen. Elle a ainsi permis d’assurer une harmonisation des législations nationales sur les prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d’aménagement du temps de travail et d’éviter le recours à des pratiques concurrentielles déloyales entre Etats membres fondées sur une course au moins-disant social. Mais loin de ces considérations initiales, la Cour de justice de l’Union européenne a appliqué la DETT à la situation des sapeurs-pompiers volontaires et a également étendu le champ d’application de cette directive au cas des militaires.

L’engagement militaire comme celui du sapeur-pompier bénévole sont très éloignés de la problématique de « dumping social » que le législateur européen s’est donné comme mission de traiter à travers ce texte et les conséquences concrètes des prescriptions imposées par la directive dans ces situations particulières sont préoccupantes pour le fonctionnement à venir de nos services de secours et de nos armées. Or, juridiquement, il est tout à fait possible au législateur européen de remédier à ces difficultés par l’ajout d’exceptions au sein du chapitre V de la directive « exceptions et dérogations » ou par la création d’instruments communautaires spécifiques dérogeant à l’application générale de la DETT (article 14 de la directive). Tel est précisément l’objet de la proposition de résolution européenne.

Une assimilation du volontariat, notamment de sapeur-pompier (y compris les astreintes), à une activité de travail, rendrait impossible la conciliation d’un engagement de sapeur-pompier volontaire et d’une activité professionnelle salariée, situation qui concerne actuellement 69% des sapeurs-pompiers volontaires français.

Elle mettrait en cause l’existence du modèle de secours français dont le volontariat représente 79% des effectifs et 66% du temps d’intervention, modèle par ailleurs majoritaire au sein des Etats membre de l’Union où plus de 3,5 millions de citoyens sont engagés comme sapeurs-pompiers volontaires. Outre l’impact sur les finances publiques (2,5 Mds d’euros), c’est surtout l’efficacité et l’équité territoriale de la distribution des secours aux populations que la jurisprudence de la Cour compromet.

Ainsi, toute transposition de la DETT marquerait la fin du volontariat et du modèle français de secours, sans autre alternative qu’une diminution du niveau de sécurité des populations ou un affaiblissement de la proximité et un renchérissement du coût des services d’incendie et de secours en cas de compensation par des effectifs professionnels.

Plus généralement, la jurisprudence européenne menace le système de volontariat sur lequel sont fondés nombre d’associations et d’organisations sociales, sanitaires, caritatives, de jeunesse. Il serait opportun que le législateur européen consacre une directive spécifique à l’engagement citoyen volontaire et bénévole prévoyant des garanties adaptées qui distinguerait ce type d’engagement de l’activité de « travail » l’excluant explicitement du champ d’application de la DETT.

Sur les conséquences d’une application de la DETT à la situation des militaires, la Cour de justice de l’Union européenne a opté pour une interprétation extensive du champ d’application de la directive faisant tomber les militaires d’active sous le couperet d’une organisation du temps de travail totalement incompatible avec la réalisation de leurs missions. Une telle décision génère de potentiels effets dévastateurs sur le fonctionnement de nos forces armées et sur le bon accomplissement des opérations de sécurité tant extérieure qu’intérieure dont elles sont investies. Une distinction s’opère entre le « service courant » pour lequel la DETT est applicable et les véritables « activités spécifiques » des forces armées qui en sont exclues. Sans reprendre proprement ces termes, la Cour dresse une liste des activités qui selon leur nature relèvent ou non du champ de DETT.

Cette distinction entre service ordinaire et service extraordinaire est totalement théorique. Elle est particulièrement irréalisable en ce qui concerne la France dont tant les engagements internationaux que le risque terroriste continu sur son territoire nécessitent une disponibilité constante de ses forces armées totalement incompatible avec une rotation des effectifs et un aménagement du temps de travail de type civil.

Afin d’éviter la désorganisation de nos forces armées que causerait inévitablement la transposition de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, il est nécessaire de revoir la rédaction de la DETT en excluant purement et simplement l’ensemble du secteur de la Défense de son champ d’application.

Une telle rédaction aurait le mérite de la clarté et éviterait l’écueil d’une jurisprudence casuistique, source d’insécurité juridique pour l’organisation et l’efficacité opérationnelle des forces armées des Etats membres de l’Union. Et elle ferait la démonstration que l’Union européenne, conformément aux dispositions de l’article 4 paragraphe 2 du Traité sur l’Union européenne, respecte effectivement les fonctions essentielles des Etats membres qui ont pour objet d'assurer l’intégrité territoriale, de maintenir l'ordre public et de sauvegarder la sécurité nationale.