5 ans après le traité d’Aix-la-Chapelle, quelles avancées dans les relations franco-allemandes ?
Publié le 07/06/2024 dans les catégories Europe
Lundi le 3 juin 2024, a eu lieu la réunion du bureau de l’assemblée parlementaire franco-allemande. A cette occasion, la Fondation Genshagen a présenté son rapport : « Cinq ans après le traité d’Aix-la-Chapelle : quelles avancées dans les relations franco-allemandes ? ».
Patrick Hetzel en a profité pour échanger avec les experts de cette fondation pour trouver les bons leviers pour faire progresser efficacement le travail de coopération.
En effet, en décembre 2022, la Fondation Genshagen a mis en place un groupe de travail chargé d’évaluer la mise en œuvre du traité d’Aix-la-Chapelle ainsi que son impact sur les relations franco-allemandes. Le rapport met en avant la capacité d’innovation du traité, notamment la prise en compte de nouveaux champs politiques tels que la coopération transfrontalière et les relations économiques, ainsi que la reconnaissance de la diversité des acteurs de la coopération franco-allemande et de l’échelon infranational.
Parmi les réalisations concrètes, le rapport salue la mise en place du Fonds citoyen franco-allemand, du Forum pour l’avenir franco-allemand, du Comité de coopération transfrontalière (CCT), du Conseil franco-allemand d’experts économiques ainsi que l’ouverture de quatre instituts culturels franco-allemands. Cependant, le rapport pointe un manque d’ambition en matière de formation, de recherche et d’innovation.
Les auteurs regrettent par ailleurs que certaines nouveautés prévues par le traité, notamment les clauses d’expérimentation dans la coopération transfrontalière ou l’instauration d’une zone économique commune, aient été négligées. Le rapport passe en revue chacun des cinq chapitres du traité d’Aix-la-Chapelle pour en évaluer les réalisations et formuler des recommandations.
Le chapitre 1 vise à renforcer la coopération franco-allemande dans les « affaires européennes ». Le projet d’harmoniser la transposition du droit européen dans le droit national est jugé prometteur. Malgré des réussites telles que le Plan de relance européen de 2020 et la création d’un groupe d’experts franco-allemand sur les réformes institutionnelles de l’UE, le rapport pointe certaines lacunes, notamment l’omission de domaines clés tels que la politique migratoire et l’élargissement de l’UE. Pour y remédier, le rapport préconise de mettre en œuvre un calendrier de réformes institutionnelles de l’UE fondé sur les conclusions du groupe d’experts.
Le chapitre 2 consacré à « la paix, la sécurité et le développement » prévoit une convergence croissante des politiques de sécurité et de défense des deux pays, une assistance mutuelle en cas d’agression armée ainsi qu’un renforcement de la coopération entre leurs forces armées et leurs industries de défense. Malgré le succès de la collaboration franco-allemande dans l’élaboration de la Boussole stratégique européenne, le rapport relève des difficultés persistantes dans la recherche de positions communes en matière de sécurité et dans la mise en œuvre des projets d’armement SCAF (système de combat aérien du futur) et MGCS (char du futur). Le rapport émet plusieurs recommandations, notamment une évaluation conjointe de la situation géostratégique européenne, un dialogue sur la dissuasion nucléaire et la revitalisation du Triangle de Weimar pour renforcer le flanc Est de l’OTAN.
Le chapitre 3 dédié à « la culture, l’enseignement, la recherche et la mobilité » introduit des innovations telles que le Fonds citoyen franco-allemand, les instituts culturels franco-allemands et une plateforme numérique. Bien que ces initiatives aient été mises en œuvre avec succès, la fermeture de trois instituts Goethe en France met en lumière un déficit dans la promotion de la langue du partenaire. De plus, la plateforme numérique suscite jusqu’à présent un intérêt limité, nécessitant une réévaluation de l’offre proposée.
Le chapitre 4 axé sur « la coopération régionale et transfrontalière » institue un Comité de Coopération Transfrontalière (CCT) et permet des dérogations juridiques et administratives pour les régions transfrontalières. Si le CCT a bien été mis en place, les « clauses d’expérimentation » sont restées lettre morte. Le rapport recommande ainsi de sensibiliser davantage les acteurs politiques nationaux aux problématiques transfrontalières.
Le chapitre 5 associant « le développement durable, le climat, l’environnement et les affaires économiques » envisage la création d’une zone économique franco-allemande par l’harmonisation législative, le renforcement de la coopération en matière de durabilité, de transition énergétique, de recherche et d’innovation ainsi que la mise en place d’un Forum pour l’avenir franco-allemand et d’un Conseil franco-allemand d’experts économiques. Là encore, le bilan est mitigé : alors que ces deux nouvelles institutions de coopération ont été mises en place, aucun progrès tangible n’a été enregistré concernant le projet de zone économique commune tandis que la coopération sur les questions énergétiques demeure difficile.
En conclusion, les auteurs estiment que le potentiel du traité n’a jusqu’ici pas été entièrement exploité et appellent les acteurs politiques à faire preuve de courage politique pour mieux le mettre en œuvre. Pour ce faire, ils recommandent notamment :
- d’évaluer l’efficacité des institutions de coopération franco-allemande et d’envisager, le cas échéant, leur réorientation ;
- de déterminer un agenda de réforme des institutions européennes en prenant appui sur le rapport du groupe d’experts franco-allemand ;
- de retrouver de toute urgence une entente dans la politique extérieure et de défense pour faire face aux défis mondiaux actuels ;
- de prendre des mesures supplémentaires pour favoriser l’apprentissage de la langue du partenaire ;
- de mieux exploiter les potentiels de la coopération transfrontalière, en particulier les clauses d’expérimentation ;
- de lancer l’instauration d’une zone économique commune.
Si les gouvernements ne parvenaient pas à surmonter leurs divergences d’opinions, les auteurs misent sur l’Assemblée parlementaire franco-allemande « pour améliorer les échanges, promouvoir une politique commune et faire pression sur les gouvernements ».