Commission Mixte Paritaire sur le projet de loi Recherche
Publié le 20/11/2020 dans les catégories Enseignement Sup & Recherche
Patrick Hetzel est intervenu comme orateur du groupe Les Républicains dans le cadre de la discussion générale concernant la version définitive du projet de loi Recherche issu de la Commission Mixte Paritaire :
« Madame la Présidente, Madame la Ministre, Monsieur le Président de la Commission des Affaires culturelles et de l’éducation, Madame la rapporteur, Mes chers collègues,
Nous voici réunis pour délibérer au sujet du texte issu de la CMP concernant la loi recherche portée par le gouvernement.
Lorsque je regarde le résultat de tout ce processus, je suis triste et très déçu. Pour la France d’abord, pour sa recherche et son enseignement supérieur ensuite. En effet, rien ! Je dis bien rien ! dans ce texte n’est à la hauteur des enjeux ! Bien au contraire.
Notre enseignement supérieur et notre recherche ont besoin d’une vision, d’un souffle, d’un destin partagé avec la Nation autour de la place qu’ils peuvent jouer pour affronter les défis du 21ème Siècle et construire progressivement une société de la connaissance qui a fait la force de notre pays au cours des derniers Siècles. Au lieu de cela, nous avons un texte technocratique qui, sous couvert de moyens supplémentaires, va détruire l’existant. Nous nous éloignons de plus en plus d’un système d’enseignement supérieur et de recherche vu comme un bien commun.
Le temps m’est compté mais je voudrais, pour illustrer mon propos, insister sur deux points qui, parmi tant d’autres, justifient notre opposition massive et déterminée à ce texte.
Tout d’abord, concernant le budget. Le Sénat avait fait un bon travail en modifiant la trajectoire budgétaire. Il avait fixé l’objectif de porter les dépenses intérieures de recherche et de développement des administrations et des entreprises à 3 % du PIB annuel et les dépenses intérieures de recherche et développement des administrations à au moins 1 % du PIB annuel dès 2027 (et non plus 2030). En conséquence, il avait ramené la programmation budgétaire de 10 à 7 ans et concentré l’effort budgétaire dès les deux premières années. Tout cela allait dans le bon sens et méritait d’être retenu. Hélas, cela fut balayé par la CMP rejetant aux oubliettes ce qui constituait la véritable contribution du Sénat au texte. Le budget retenu est insincère. En repoussant l’investissement au-delà de deux échéances présidentielles futures, on fait miroiter une augmentation très hypothétique comme nous l’avons démontré à plusieurs reprises notamment en raison de l’impact du Glissement Vieillesse Technicité, de l’inflation et de la réforme des retraites.
Ensuite, parce que ce texte prévoit d’autoriser les universités à recruter des professeurs et des maîtres de conférences sans passer par la qualification délivrée par l’instance nationale qu’est le Conseil National des Universités. Ce texte a clairement ouvert la voie à une disparition progressive du Conseil National des Universités. Tout ceci est grave car vous bradez des principes essentiels qui constituent une richesse. On n’abat pas aussi brutalement un organisme qui existe depuis une ordonnance du 2 novembre 1945 et qui, à ce titre, fait partie des grands acquis de la Libération. Mesurez-vous ce que cela va engendrer comme dérégulation du système universitaire français ? A moins que, et ce serait d’un cynisme absolu, la dérégulation de tout le système soit votre dessein caché ?
En tout cas, une telle disposition est un très mauvais coup porté à l’université. La disparition programmée du Conseil National des Universités heurte frontalement des principes fondamentaux de notre République comme celui de la promotion au mérite, de l’unité et de l’indivisibilité du statut des enseignants-chercheurs et de l’équivalence des recrutements des universitaires au sein de la République. Ce texte propose une évolution désastreuse, qui ouvre la voie à des recrutements et à des promotions motivées par des préoccupations très éloignées des mérites scientifiques et académiques. C’est cela qui devrait en principe animer l’accès aux corps des enseignants chercheurs, que garantit l’existence d’une instance nationale, indépendante et impartiale. Avec cette disposition, vous consolidez au contraire le primat du localisme sur les mérites individuels. Tout ceci est un désastre.
Enfin, Madame la Ministre, je ne peux m’empêcher de vous mettre face à vos responsabilités en vous rappelant deux de vos propres déclarations.
D’une part, lorsque vous étiez présidente de l’Université de Nice vous aviez signé une pétition dans laquelle vous vous opposiez vivement à la suppression de la qualification. La Ministre Vidal renierait-elle la Présidente Vidal ? D’autre part, vous avez déclaré aux organisations syndicales avec lesquelles vous avez négocié l’accord salarial que vous ne remettriez pas en cause la qualification. Imaginez-vous un seul instant que vous eussiez pu signer ce protocole si les organisations avaient su ce qui allait se passer aujourd’hui ? La Ministre Vidal renierait-elle aussi la Ministre Vidal ?
En conclusion, et vous l’aurez aisément déduit de mes propos, nous voterons résolument contre ce texte qui nuit gravement à la santé de notre enseignement supérieur et de notre recherche. »