Culture scientifique
Publié le 06/04/2023 dans les catégories Education nationale
Lors d’un débat dans l’hémicycle consacré au thème « Comment contrer le recul de la culture scientifique à l’école, au sein de l’Etat et dans nos politiques publiques », Patrick Hetzel est intervenu :
« Madame la Présidente, Madame la Ministre, Mes chers collègues,
Contrer le recul de la culture scientifique, voilà un bien vaste programme.
Avant tout, je voudrais, pour un tel sujet ici rendre hommage à des visionnaires et des précurseurs en la matière. Je pense plus particulièrement aux trois scientifiques de métier qui voulaient que l’école rende justice à la joie d’apprendre et à la curiosité des jeunes enfants en convaincant les professeurs de classes primaires de ceci : amener leurs élèves à faire de la science et à mettre eux-mêmes la main à la pâte était possible. Cela devenait alors source de joie pour l’enfant comme pour son maître. Vous les aurez reconnus, il s’agit de Georges Charpak, Prix Nobel de physique en 1992, de Pierre Léna, astrophysicien et membre de l’académie des sciences et enfin Yves Quéré, physicien et également membre de l’académie des sciences. Ce trio fondateur de l’association « La main à la pâte » a joué un rôle essentiel pour remettre les sciences en phase avec l’enfant, avec son désir profond de découvrir et de comprendre et en phase avec la volonté des enseignants pour leurs élèves : leur faire aimer l’école. Ils ont montré qu’il n’y avait pas de remède miracle pour faire aimer les sciences mais qu’en tout cas, il existait des méthodes et des approches permettant d’inverser la tendance du recul de la culture scientifique dans notre pays. Ma première question est donc très simple : pourquoi ne pas développer davantage tout ce qui est proposé par « La main à la pâte » ?
Venons-en maintenant au socle de connaissances et de compétences que tout jeune français devrait maîtriser en matière scientifique et technologique.
Nous le savons tous, les sciences expérimentales et les technologies ont pour objectif de comprendre et de décrire le monde réel, celui de la nature, celui construit par l’Homme ainsi que les changements induits par l’activité humaine.
Leur étude contribue à faire comprendre aux élèves la distinction entre faits et hypothèses vérifiables d’une part, opinions et croyances d’autre part. Pour atteindre ces buts, l’observation, le questionnement, la manipulation et l’expérimentation sont essentiels, et cela dès l’école primaire, dans l’esprit de l’opération « La main à la pâte » qui donne le goût des sciences et des techniques dès le plus jeune âge. Les élèves doivent pouvoir comprendre que les sciences et les techniques contribuent au progrès et au bien-être des sociétés. En somme, il importe que les élèves se constituent une culture scientifique de base, pour comprendre les grandes lois qui régissent l’univers, notre planète ainsi que notre corps. Sans une culture scientifique et technique suffisante, nos enfants seraient laissés sans repères dans un monde que la science et la technique façonnent pourtant de plus en plus. Ils seraient par la suite incapables d’agir sur lui, de le transformer. Ma deuxième question au gouvernement porte donc sur les moyens qui sont déployés par l’Education nationale pour s’assurer de la bonne transmission des connaissances et des compétences scientifiques auprès des élèves au fil de leur scolarité. Dans le même ordre d’idée, quels sont les outils aujourd’hui utilisés pour évaluer la véritable acquisition des connaissances scientifiques et techniques au fil de la scolarité et ceci de l’école primaire jusqu’au lycée ?
Enfin, je voudrais aussi aborder un risque actuel très important : celui du décrochage de la recherche scientifique française. Les réformes successives en matière d’enseignement des sciences et des mathématiques ont conduit à un changement de paradigme fort violent, sous prétexte de s’adapter au goût des jeunes et de favoriser l’égalité. Ainsi, prévalent de plus en plus le « zapping », la leçon de choses, au mieux l’éveil de la curiosité. Comme le mentionne fort justement Michel Spiro, le président de la société française de physique, désormais l’appropriation et l’approfondissement des connaissances scientifiques ont la portion congrue, même dans les parcours dits scientifiques du lycée. Certes, il est positif d’avoir augmenté la population d’élèves approchant une formation scientifique et d’essayer d’éveiller leur appétit pour les sciences mais j’aimerais vous interroger pour savoir pourquoi la partie réservée à la capacité à modéliser, à mettre en équation, à simuler et analyser les résultats au regard d’une pratique scientifique expérimentale est de plus en plus réduite au collège et même au lycée.
Vous l’aurez compris, la culture scientifique constitue un socle essentiel dans toute société moderne et démocratique. L’enjeu du savoir reste un combat. Nous devons collectivement nous en saisir et j’espère avoir des réponses aux trois grandes questions que je viens de poser. Je vous remercie. »