Droits d’exploitation des Ehpad privés
Publié le 05/05/2023 dans les catégories Economie
Mardi le 2 mai 2023, Patrick Hetzel a une nouvelle fois interrogé le gouvernement au sujet de la protection des petits épargnants ayant investi dans des EHPAD :
« M. le président
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour exposer sa question, no 309, relative aux droits d’exploitation des Ehpad privés.
M. Patrick Hetzel
De petits épargnants ont placé leurs économies dans l’achat de places en Ehpad, en signant un bail commercial d’une durée de neuf ou dix ans, à un prix supérieur à celui du marché immobilier. Si l’exploitation des activités médico-sociales est soumise à un dispositif juridique unique, les structures juridiques qui exploitent de telles activités relèvent en revanche de statuts très divers, allant du public au privé à but lucratif en passant par le secteur associatif.
Les difficultés, de plus en plus fréquentes, surgissent lorsque de telles structures envisagent entre elles le transfert de leurs activités médico-sociales et des moyens qui les sous-tendent. En cas de transfert, seule l’activité est transférée et non le bien immobilier. Les particuliers qui ont investi dans les Ehpad se trouvent alors totalement spoliés : leur bien peut perdre jusqu’à 90 % de sa valeur après le congé de l’exploitant, puisqu’il devient inutilisable sans autorisation d’exploitation ; le bien a été formaté, si vous me permettez l’expression, pour une exploitation en Ehpad. Cette spoliation peut avoir des conséquences dramatiques, notamment pour ceux des petits épargnants qui comptaient sur ces revenus pour assurer le financement de leur retraite.
Certains groupes privés lucratifs se sont livrés à de telles manœuvres, souvent avec l’accord des agences régionales de santé (ARS), laissant sans recours les petits épargnants. Lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, un amendement permettant aux autorités compétentes de bloquer un transfert d’activité en cas de préjudice pour les petits épargnants avait été adopté en commission. En séance, il a été rejeté au motif que le code de la consommation prévoit justement une obligation d’information sur les risques liés aux investissements locatifs. L’évolution des lois fiscales n’empêche pas les abus. Aussi, j’aimerais savoir comment le Gouvernement compte faire pour modifier la législation et construire enfin un modèle avec des acteurs respectueux des règles, pour éviter des montages immobiliers donnant lieu à des fraudes et pour que les transferts d’autorisations accordés à des promoteurs exploitants ne pénalisent pas les épargnants.
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées
Dans le cadre du choc de transparence qu’il a engagé pour restaurer la confiance entre les citoyens et le secteur des Ehpad, le Gouvernement est particulièrement attentif aux pratiques des gestionnaires d’établissements. Le contrôle de la bonne utilisation des financements publics est une priorité. Les obligations de transparence qui s’imposent aux établissements et aux groupes ont été nettement renforcées, notamment dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. Le cadre juridique des mises en réserve et des reports de bénéfices a ainsi été renforcé, afin d’empêcher la création de mécanismes de détournement. Le champ des contrôles a été étendu pour inclure l’organisation financière des groupes. La plus grande latitude donnée aux instances de contrôle vise à obtenir la communication des informations nécessaires. Enfin, des sanctions spécifiques ont été introduites pour les établissements et les groupes fautifs.
En ce qui concerne les enjeux immobiliers, il est certain que les opérations de vente et de location de chambres, voire de bâtiments entiers, constituent un aspect essentiel du modèle économique des Ehpad. Ces activités sont encadrées ; le premier critère concerne les conditions d’hébergement et de prise en charge des résidents. De plus, des mesures ont été prises afin de limiter les risques pour les petits épargnants investissant dans les établissements. La loi de finances pour 2023 n’a pas prolongé le dispositif Censi-Bouvard qui permettait aux investisseurs dans les chambres d’Ehpad de bénéficier d’une réduction d’impôt. En effet, ce dispositif pouvait laisser espérer aux potentiels investisseurs des rendements bien supérieurs à ceux observés.
Par ailleurs, la proposition de loi relative au bien vieillir, en cours d’examen, précisera les actions qui représentent des changements importants devant faire l’objet d’une information préalable à l’ARS : les déménagements imprévus y seront intégrés. Néanmoins, le rôle des ARS consiste principalement à réglementer et à contrôler la qualité de la prise en charge des résidents.
Ainsi, les mesures visant à protéger les petits épargnants impliquent surtout d’autres autorités. Le Gouvernement a pleinement conscience de la nécessité d’améliorer l’information des particuliers souhaitant investir dans des chambres d’Ehpad. C’est ce type d’action qui est le plus sécurisant pour les petits épargnants, car ils pourront ainsi investir en toute connaissance de cause.
M. le président
La parole est à M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel
J’entends vos arguments, madame la ministre déléguée, et je pense que le Gouvernement a bien conscience du problème. J’aimerais néanmoins insister sur le fait que l’État engage selon moi sa responsabilité. Vous avez raison de souligner que la mission des ARS concerne l’aspect sanitaire, mais vous conviendrez qu’une autorisation de transfert délivrée par l’une d’entre elles a ipso facto des conséquences, et que celles-ci peuvent toucher les petits épargnants. Les ARS représentant l’État, c’est bien la responsabilité de ce dernier qui est engagée. J’insiste donc sur le fait qu’il doit assurer un rôle de contrôle afin d’éviter les dérives qui ont pu être observées par le passé. »