Édouard Philippe peine à justifier le cumul de Gérald Darmanin
Publié le 26/05/2020 dans les catégories Médias Politique
Édouard Philippe peine à justifier le cumul de Gérald Darmanin
Maire de Tourcoing, Gérald Darmanin reste ministre de l'Action et des Comptes Publics, rompant ainsi avec une tradition instaurée par Lionel Jospin en 1997.
Interrogé à l'Assemblée, Philippe incapable de justifier le cumul de Darmanin
POLITIQUE - Sur la forme, sa réponse se voulait cinglante et “en trois temps.” Sur le fond... Édouard Philippe s’est montré bien en peine au moment de justifier le cumul des fonctions de Gérald Darmanin.
Interrogé ce mardi 26 mai à l’Assemblée nationale, le chef du gouvernement a dû expliquer le fait que son ministre de l’Action et des Comptes publics assure également le rôle de maire de Tourcoing, une ville de près de 100.000 habitants. Et ce contrairement à la promesse de non-cumul qu’il avait lui-même formulée en septembre 2019, comme le lui a rappelé le député Les Républicains du Bas-Rhin Patrick Hetzel. Une jurisprudence, inscrite dans aucun texte, instaurée par Lionel Jospin en 1997.
“Monsieur le premier ministre, le 4 septembre dernier vous avez déclaré solennellement la chose suivante: ’chaque ministre pourra être candidat aux municipales, mais je précise immédiatement que la règle selon laquelle on ne peut pas cumuler sa fonction de ministre avec la tête d’un exécutif local reste bien entendu valable”, a-t-il rappelé après avoir félicité tous les maires (élus dès le premier tour de ces élections municipales) entrés récemment en fonction.
“Ma question est simple, où est chez vous le respect de la parole donnée? Où sont passés vos engagements? Vous qui par ailleurs faites toujours la leçon aux autres”, a poursuivi le député Patrick Hetzel.
“Le moment venu”
Sans doute piqué au vif, Édouard Philippe a réajusté ses lunettes avant de remercier l’élu pour son ”excellente question”. Après avoir félicité tous les élus déjà installé et rappelé le “succès électoral tout-à-fait exceptionnel” de Gérald Darmanin, le premier ministre est entré dans le vif du sujet. “Vous avez cité des propos que j’ai tenus, et vous les avez cité très correctement bien entendu et complètement”, a-t-il lancé avant d’ajouter: “enfin... vous avez oublié les deux phrases qui étaient après la déclaration que vous avez évoquée.”
Et le ministre de citer les mots qu’il avait effectivement déclarés en septembre 2019: “Il appartiendra à ceux qui sont candidats, le moment venu -le ‘moment venu’ monsieur le député- et s’ils sont élus de déterminer si oui ou non ils veulent rester membre du gouvernement ou s’ils choisissent ou non de rester à la tête de l’exécutif auquel ils auraient été élus”, a-t-il lu, avant de conclure: ”je n’ajoute ni ne retranche rien de ce que j’ai dit le 4 septembre 2019, considérant -c’est son avis- que ces propos justifient aujourd’hui le cumul de Gérald Darmanin.
Gérald Darmanin peut donc remercier le flou de l’expression “le moment venu”, unique argument du Premier ministre pour justifier son cumul de fonctions.
Ci-dessous l’extrait du compte rendu :
le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.
Patrick Hetzel. Avant de débuter ma question, je tiens à féliciter les maires et les adjoints au maire qui ont déjà été élus et qui vont l’être dans les prochaines heures dans plus de 30 000 communes de France. Bonne chance à eux dans l’exercice de ce beau mandat de maire. (Applaudissements.)
Monsieur le Premier ministre, le 4 septembre dernier, vous avez déclaré très solennellement que « chaque ministre pourra être candidat aux municipales, mais je précise immédiatement que la règle selon laquelle on ne peut pas cumuler sa fonction de ministre avec la tête d’un exécutif local reste bien entendu valable. » (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LR.)
Raphaël Schellenberger. Les promesses n’engagent que ceux qui y croient…
Patrick Hetzel. Manifestement, vous n’appliquez pas la règle que vous avez pourtant vous-même énoncée lorsqu’il s’agit du ministre du budget, M. Darmanin – d’ailleurs absent aujourd’hui, on se demande pourquoi !
Monsieur le Premier ministre, ma question est donc simple : où est, chez vous, le respect de la parole donnée ? Où sont passés vos engagements, alors que, par ailleurs, vous faites toujours la leçon aux autres ? Auriez-vous, comme pour les masques, menti une nouvelle fois aux Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
le président. La parole est à M. le Premier ministre.
Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le député, merci de votre excellente question, qui me permet de faire, en réponse, trois remarques.
D’abord, je voudrais m’associer à vos félicitations à l’endroit de tous ceux qui, élus au premier tour, ont été installés en qualité de maires, adjoints au maire et conseillers municipaux. (Applaudissements.) Ils sont sur le point de commencer leurs fonctions – certains viennent de le faire. C’est un moment exaltant. Ils le font dans une période très délicate et je veux leur adresser à tous, quelles que soient leurs préférences politiques, un salut républicain, mes encouragements et mes vœux de succès. (Mêmes mouvements.)
Ma deuxième remarque est en forme de remerciement, car votre question me permet de me réjouir publiquement de l’élection du ministre de l’action et des comptes publics à la mairie de Tourcoing, après un très beau score au premier tour des élections municipales. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Hubert Wulfranc. Tout le monde ne peut pas en dire autant !
Sébastien Jumel. C’est l’arbre qui cache la forêt !
Pierre Cordier. Vingt-cinq pour cent de participation !
Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le député, vous êtes aussi sensible pour lui que pour les autres à ce succès électoral tout à fait exceptionnel, et je m’associe à votre joie. Il n’est pas impossible que la mienne soit réelle et que la vôtre le soit un peu moins, mais c’est comme ça.
Troisième remarque : puisque vous avez été précis, permettez-moi de l’être également. Vous avez cité des propos que j’ai tenus le 4 septembre 2019, et vous l’avez fait très correctement, très complètement, à cela près toutefois que vous avez oublié les deux phrases qui suivaient la déclaration que vous avez reprise. C’est regrettable – c’était peut-être un moment d’inattention de votre part – et, puisque vous me demandez d’être précis, autant l’être !
Raphaël Schellenberger. La réalité c’est que ce que vous dites n’est jamais clair !
Édouard Philippe, Premier ministre. Je rappelle donc qu’après la phrase que vous avez citée, j’ajoutais : « ce qui veut dire qu’il appartiendra à ceux qui sont candidats, le moment venu…
Fabien Di Filippo. Eh bien le moment est venu !
Raphaël Schellenberger. C’est quand le « moment venu » ? Tout ça est très flou !
Édouard Philippe, Premier ministre. …et s’ils sont élus, de déterminer si, oui ou non, ils veulent rester membres du Gouvernement ou s’ils choisissent, ou non, d’exercer des fonctions à la tête de l’exécutif auquel ils auraient été élus. »
Pierre Cordier. Quelle hypocrisie !
Michel Herbillon. Le nouveau monde est un drôle de monde !
Édouard Philippe, Premier ministre. Je n’ajoute ni ne retranche rien à ce que j’ai dit le 4 septembre 2019. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.
Patrick Hetzel. Eh bien, le « moment [est] venu ». Par ailleurs, une promesse présidentielle annonçait clairement que, dans le nouveau monde, il n’y aurait pas de cumul entre les fonctions de maire et celles de ministre. (« Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe SOC.)
En outre, nous sommes dans un moment grave, vous l’avez à juste titre rappelé à plusieurs reprises ici. Avec la pandémie, le ministre du budget doit exercer à plein temps ses fonctions de ministre.
Raphaël Schellenberger. Bravo !
Guillaume Garot. Très bien !
Patrick Hetzel. Or ce n’est pas le cas. Il y a un véritable problème gouvernemental, et c’est vous qui devez l’assumer. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LR.)