Il faut booster notre enseignement supérieur et notre recherche et parachever l’autonomie
Publié le 14/01/2022 dans les catégories Enseignement Sup & Recherche
"Il faut booster notre enseignement supérieur et notre recherche et parachever l’autonomie".
Par Patrick Hetzel, Député du Bas-Rhin, Ancien recteur et ancien directeur général de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle
L’enseignement supérieur et la recherche sont des atouts déterminants pour l’avenir, la performance et le rayonnement de notre pays. En 2007, au moment où Nicolas Sarkozy arrivait à l’Elysée, une véritable dynamique fut engagée pour ce secteur. C’est ainsi qu’au sein du gouvernement de François Fillon, Valérie Pécresse porta un projet très ambitieux pour donner une vraie autonomie aux universités (la loi relative aux libertés et responsabilités des universités – aussi appelée par son acronyme L.R.U.).
Le premier article de cette loi fixait les trois missions du service public de l’enseignement supérieur : la formation initiale et continue, la recherche mais aussi une nouvelle mission, l’orientation et l’insertion professionnelle, devenant ainsi une obligation nationale pour l’ensemble de l’enseignement supérieur. Pour la première fois depuis la loi Faure de 1968, les universités étaient dotées d’une gouvernance forte autour de leur président et elles recevaient la maîtrise de leur budget incluant la gestion de leurs emplois. Les autres dispositions de la loi sont connues : un conseil d’administration resserré de 20 à 30 membres maximum pour permettre des délibérations sérieuses et une véritable prise de décision, la possibilité de créer des fondations universitaires, l’obligation faite aux établissements de rendre publique des statistiques comportant des indicateurs de réussite aux examens, de poursuite d’études et d’insertion professionnelle des étudiants, la mise en place d’une vraie politique de recherche sur projets et les bases d’une logique d’évaluation externalisée des établissements. A cette loi relative aux libertés et responsabilités des universités se sont ajoutées les lois de finances qui ont marqué alors la priorité budgétaire donnée à l’enseignement supérieur et à la recherche : 4 milliards d’Euros supplémentaires furent accordés à l’enseignement supérieur entre 2007 et 2021. Avec 1,5 % du PIB consacré à l’enseignement supérieur, en 2021, la France dépassait l’Allemagne, le Royaume-Uni et la moyenne européenne. Depuis dix ans, nous stagnons à 1,5 % du PIB alors qu’il serait souhaitable d’atteindre les 2%.
Alors, le cap doit être clair : nous devons nous fixer comme objectif de permettre à la France d’être, en l’espace d’une décennie, la 1ère puissance en matière d’enseignement supérieur et de recherche en Europe. Pour cela, il faudra évidemment débureaucratiser et « faire respirer » le système. Cette évolution devra reposer sur le triptyque autonomie-liberté-responsabilité. Il faut affirmer la culture de la responsabilité, inhérente à la logique d’autonomie. Ce sont les projets développés sur les différents sites qui conduisent à des rapprochements éventuels et souhaitables entre les acteurs, et non l’inverse, comme cela a trop souvent été fait depuis 2012. L’avenir verra progresser l’autonomie en l’amplifiant, en la boostant, conformément au projet initial de 2007 porté par Valérie Pécresse, alors ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Ce cap consiste évidemment aussi à donner davantage d’autonomie pédagogique et budgétaire aux établissements, redonner de la fierté et de la liberté aux enseignants-chercheurs et une formation de haut niveau préparant à l’insertion professionnelle pour les étudiants.
Pour parvenir à atteindre cette ambition, la France devra engager des réformes structurelles de son enseignement supérieur et de sa recherche. Mais entendons-nous bien, il faut éviter que nos établissements passent trop de temps à fabriquer des structures et à réécrire des statuts. C’est pourquoi il faut être très concret : il faut permettre aux universités qui le souhaitent d’expérimenter des dispositifs de gouvernance nouveaux. Il faut faire confiance aux acteurs sur le terrain et prendre en considération la diversité de notre enseignement supérieur qui n’est pas un handicap, mais constitue une vraie richesse : universités, classes préparatoires et grandes écoles, sections de techniciens supérieurs, établissements d’enseignement supérieur privés doivent concourir au même objectif d’excellence. Il faut donc aussi clairement assumer l’idée d’une pluralité des acteurs et d’une géométrie variable du paysage de l’enseignement supérieur en France. Il ne s’agit pas de consacrer un enseignement à plusieurs vitesses mais d’admettre que le modèle unique ne correspond plus à la réalité et qu’il est absurde de le faire survivre, selon une logique uniforme, dans chaque établissement de France. Arrêtons de croire que toutes les universités feraient exactement la même chose, celles qui développent une recherche à un niveau mondial et celles, non moins ambitieuses, qui travaillent principalement à amener leurs étudiants au niveau licence et à les insérer professionnellement. Arrêtons d’opposer filières courtes et filières longues, grandes écoles et universités. Chacun a sa place et doit s’attacher à la conforter sur le territoire de la République !
Il faut redonner de l’ambition à notre enseignement supérieur et à notre recherche, la décennie qui vient de s’écouler a hélas mis en parenthèse la dynamique engagée entre 2007 et 2012. Une meilleure intégration entre enseignement supérieur et recherche semble également indispensable afin de véritablement renforcer le secteur en France. Notre rôle doit donc être simple : que la France renoue avec son enseignement supérieur et sa recherche et que celui-ci occupe la première place en Europe. Nous construirons pour cela une stratégie nationale, respectueuse des établissements, se consacrant à accompagner les établissements dans la réussite d’objectifs partagés plutôt qu’à vouloir déterminer leurs manières de faire. »