Evaluation de l’exécution du budget de la Justice pour l’année 2022
Publié le 26/05/2023 dans les catégories Justice
Dans le cadre de sa mission de rapporteur spécial du budget de la Justice, Patrick Hetzel a interrogé le Ministre de la Justice au sujet de la gestion budgétaire de son portefeuille ministériel :
« En 2022, la mission Justice a consommé 12,68 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 10,65 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), ce qui représente une hausse respective de 24 % et de 8 % par rapport aux crédits consommés en 2021. Le taux d’exécution des crédits est particulièrement élevé et dépasse 99 %, ce qui doit être souligné.
En 2022, la hausse des dépenses a principalement été tirée par les crédits de titre 2, qui ont progressé de 320 millions d’euros, et les dépenses d’investissement de la mission, qui ont servi à financer les projets immobiliers des services judiciaires, de l’administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse, ainsi que le plan de transformation numérique du ministère de la justice.
Ces résultats cachent néanmoins plusieurs difficultés qu’a rencontrées le ministère de la justice pour exécuter son budget.
En premier lieu, l’exécution des dépenses de personnel s’est révélée particulièrement complexe en 2022, ce qui a conduit la contrôleure budgétaire et comptable ministérielle à qualifier leur gestion de « mouvementée » : c’est selon moi un euphémisme qui nécessite que l’on s’y arrête quelques instants. Dès le mois de janvier 2022, plusieurs arbitrages ont conduit à rehausser le schéma d’emploi des services judiciaires de 695 ETP. À cela s’ajoute la hausse du point d’indice, ce qui a généré des tensions importantes en matière de dépenses de personnel. Pour faire face à ces besoins, près de 20 millions d’euros ont été ouverts par la loi de finances rectificative du 16 août 2022, la réserve de précaution a été intégralement mobilisée et 100 millions d’euros supplémentaires ont été ouverts par deux arrêtés de répartition en fin d’année. Si la hausse du point d’indice est un élément exogène qui a concerné l’ensemble des ministères, la hausse considérable du schéma d’emplois du programme 166 au lendemain de l’adoption de la loi de finances (PLF) est bien plus contestable et aurait dû être prise en compte dès l’examen du PLF. La situation du ministère de la justice est par ailleurs paradoxale, dans la mesure où la surconsommation des dépenses de personnel s’est accompagnée d’une sous-exécution des schémas d’emplois des magistrats et des greffiers. Leur schéma d’emplois s’élevait pourtant à un niveau relativement modeste : + 50 ETP (équivalent temps plein).
Au regard des objectifs de recrutement définis par le ministère de la justice, à savoir 1 500 greffiers et 1 500 magistrats, le résultat de l’année 2022 peut laisser craindre que ces promesses ne pourront être tenues.
S’agissant des personnels de surveillance pénitentiaire, la situation est encore plus inquiétante : 179 créations de postes étaient prévues en loi de finances : l’exécution du schéma d’emplois s’est finalement élevée à – 126 ETP !
Monsieur le garde des sceaux, que comptez-vous faire pour améliorer l’attractivité des métiers de la justice ?
En second lieu, les crédits alloués aux frais de justice et à l’aide juridictionnelle ont été sur-exécutés en 2022. Les efforts de « sincérisation » de ces deux postes de dépenses, bien qu’ayant progressé depuis plusieurs années, ne sont donc pas encore suffisants.
Les frais de justice se sont élevés à 656 millions d’euros, soit une hausse de 6 % par rapport à 2021. Pour assurer leur soutenabilité en fin de gestion, un décret de virement a abondé le programme 166 de 20 millions d’euros en décembre 2022.
Les crédits alloués à l’aide juridictionnelle se sont élevés à 632 millions d’euros et ont excédé la prévision de 16 millions d’euros. Des ouvertures de crédits supplémentaires ont donc été réalisées par les deux lois de finances rectificatives pour couvrir le besoin de financement.
Enfin, je souhaiterais conclure ce propos en abordant la question des prestations de conseil auxquelles le ministère de la justice a recours. L’inspection générale de la justice révélait ainsi que l’administration pénitentiaire avait consommé près de 700 000 euros pour des prestations de conseil juridique pour la passation des marchés de maintenance des établissements pénitentiaire et des prestations de conseil en matière de ressources humaines.
Je considère que sur ces sujets, le ministère de la justice dispose des compétences nécessaires et que ces dépenses auraient pu être évitées.
Monsieur le garde des sceaux, quelles mesures avez-vous prises pour limiter le recours aux cabinets de conseil ? »