Avec les «super recteurs», le retour du jacobinisme centralisateur

Publié le 13/02/2020 dans les catégories Education nationale Médias

Avec les «super recteurs», le retour du jacobinisme centralisateur

Une ancienne rectrice et un député dénoncent la réorganisation des services académiques vidés, selon eux, en partie de leur substance.

La nouvelle réorganisation des services académiques sur le territoire national a été publiée à la sauvette, au Journal officiel du 20 novembre 2019. Ce que nous avions subodoré à l’annonce de la fusion des rectorats se réalise à la dérobée et dans un silence assourdissant. Ainsi, suite aux protestations d’un certain nombre d’élus, on garde facialement les rectorats en place mais on les vide progressivement de leur rôle décisionnel dans la mise en œuvre des politiques publiques d’éducation. C’est d’ailleurs la technique habituelle de la Macronie : on garde les hôpitaux mais on ferme des lits, on sanctuarise les écoles mais on ferme des classes, on maintient des tribunaux mais on supprime les services judiciaires à l’intérieur desdits tribunaux…

Pour les rectorats d’académie, on les vide de leur sens, de leurs objets et une hiérarchie entre les territoires est officiellement installée. Le pouvoir décisionnaire se retrouve désormais concentré dans les métropoles des grandes régions académiques avec les moyens y afférent. En effet, le budget consacré au soutien de la stratégie académique sera, à partir du 1er janvier 2020, exclusivement à la main du « super recteur » de la région académique.

Réorganisation. Au-delà de cette re-concentration des pouvoirs à l’inverse de toute logique de proximité, la transformation annoncée du pays est en marche car la macronie recentralise à l’échelle des grandes régions. Il convient de s’interroger sur les raisons d’une telle réorganisation. Dans l’école de la confiance, la confiance n’est donnée qu’à un seul pilote : le recteur de la région académique. Cette orientation vaut également pour la compétence universitaire. En effet, seuls les recteurs des grandes métropoles auront la compétence universitaire et continueront à exercer le rôle de chancelier des universités. Avec cette recentralisation, c’est aussi le budget stratégique, le budget « soutien à la politique académique » qui est à la main exclusive du super recteur, plaçant les autres en obligés dépendants de priorités définies le plus loin possible du terrain.

Comme hélas peu de personnes connaissent le rôle réel d’un recteur d’académie et d’un chancelier des universités, ces changements d’organisation territoriale risquent de passer à bas bruit alors qu’il s’agit d’un profond bouleversement qui aura des conséquences sur les territoires. Comment prôner une attention de proximité quand on siphonne les fonctions décisionnelles de proximité au bénéfice exclusif des très grandes métropoles ? Il s’agit là d’un sujet particulièrement urticant pour le système éducatif qui a montré sa grande fragilité en matière de gestion des ressources humaines, du personnel et des élèves. La sensibilité des territoires ruraux requiert une attention spécifique de proximité ; ils subissent la double peine du déterminisme territorial et social. Les centres de décision au plus près du terrain sont les plus à même d’apporter les réponses les plus adaptées. Tous les domaines éducatifs sont concernés : orientation, soutien aux plus fragiles, formation et mobilité des enseignants.

En ce qui concerne l’enseignement supérieur, la hiérarchisation des responsabilités entraînera mécaniquement une hiérarchisation des établissements. Le facteur discriminant devient la proximité avec les centres de décisions.

Au final l’image ressentie par le terrain confirme chez les décideurs actuels, une avidité pour un jacobinisme centralisateur qui pénalise tous les territoires. Souhaitons pour les enseignants, les élèves et leurs parents, que cette étape, ne soit pas le prélude d’un remplacement des recteurs et de leur administration par une plateforme téléphonique très en vogue actuellement en macronie.

Martine Daoust, ancien recteur d’académie, et Patrick Hetzel, ancien recteur d’académie et député LR du Bas-Rhin

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