Loi sanitaire

Publié le 07/01/2022 dans les catégories Santé

Après trois jours et trois nuits dans l’hémicycle, j’ai voté ce jeudi 6 janvier 2022, au petit-matin, contre le projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique, qui prévoit l’instauration d’un passe vaccinal. Par les quelques lignes qui suivent, qui ne prétendent nullement à l’exhaustivité, je voudrais apporter des éléments permettant d’expliquer ma décision, prise en mon âme et conscience, après mûre réflexion.

Avant tout, je tiens à rappeler que j’ai toujours soutenu la vaccination pour lutter contre l’épidémie, et dès début 2021, je me suis investi très fortement pour que des centres de vaccination soient ouverts en proximité sur la 7ème circonscription du Bas-Rhin, dont je suis l’élu, pour permettre à nos concitoyens de se faire vacciner sans avoir à parcourir d’innombrables kilomètres. J’ai fait valoir la nécessité de raisonner proximité et vision qualitative de la politique vaccinale et pas uniquement quantitative (un centre pour 100 000 personnes…). C’est ainsi que je me suis battu pour l’ouverture rapide des centres de vaccination d’Ingwiller pour le pays de Hanau-La Petite-Pierre et celui de Drulingen pour l’Alsace-Bossue en plus du seul qui avait initialement été envisagé par l’Etat pour tout le territoire de Saverne Plaine et Plateau : celui de Saverne. Je considèrerais et considère toujours qu’il faut absolument tout faire pour convaincre mais pas pour contraindre. Il est essentiel que la politique publique sanitaire repose sur la confiance et non pas la défiance.

C’est pourquoi, je ne peux me résoudre à cautionner les choix gouvernementaux tels qu’ils s’expriment dans le projet de loi qui nous était soumis. En effet, ce dernier s’est résolument engagé, comme les débats parlementaires l’ont bien mis en lumière, dans une volonté de rendre la vaccination obligatoire mais sans l’inscrire explicitement dans la loi. Le passe vaccinal est donc un subterfuge très hypocrite. Or, fonder une décision politique sur de l’hypocrisie, voire le cynisme, me pose un vrai problème d’éthique.

A cela, sont venus s’ajouter les propos du chef de l’Etat : « Les non-vaccinés, j'ai très envie de les emmerder. Et donc on va continuer de le faire, jusqu'au bout. C'est ça la stratégie ». Ces mots ont très fortement jeté le trouble sur les intentions du Gouvernement à l’occasion de ce texte. En quelque sorte, ils confortaient l’idée que l’on cherchait à cliver les Français entre eux. A les monter les uns contre les autres. Or, il me semble qu’en période de crise, il faut rassurer, rassembler, convaincre mais non pas contraindre. Du coup, je ne pouvais pas soutenir l’adoption d’un passe vaccinal, dont on ne savait absolument pas s’il était motivé par des impératifs de santé publique ou par une volonté de nuire à certains concitoyens comme l’exprimait le Président de la République.  Sans compter que les propos du Président de la République, garant de l’unité nationale, sont indignes de la fonction et contre-productifs. En stigmatisant les non-vaccinés et en disant qu’ils n’étaient plus des citoyens, il les a braqués. Les non-vaccinés ont le sentiment d’être traités comme des citoyens de seconde zone au contraire de la promesse d’égalité républicaine. Cela pose un véritable problème quant à la méthode de l’exécutif. On comprend évidemment que cette « sortie » était aussi motivée par des considérations de politique politicienne. Tout cela n’est pas responsable. Un Président de la République n’a pas le droit de dire cela et encore moins faire cela.

Mais mon opposition a encore d’autres explications. J’ai déposé et défendu une vingtaine d’amendements sur ce texte. Il s’agissait d’amendements de bon sens, qui se basaient par exemple sur des bonnes pratiques à l’étranger. Ainsi, l’abandon de la validité des tests pour pouvoir disposer d’un passe m’interpelle fortement. C’est se priver d’un moyen de lutte contre l’épidémie. Comment expliquer à nos concitoyens qu’une personne non vaccinée mais testée avec un test valide 24 heures et payé directement par elle serait banni au seul bénéfice de la vaccination dont on sait, dans le cas présent, qu’elle n’est pas une barrière totale au virus (elle atténue sa diffusion et réduit les formes graves) et qu’une personne vaccinée et asymptomatique peut le transmettre sans le savoir. On frise là l’absurde. Or, prendre une décision basée sur des fondements absurdes n’est pas ma conception de l’action politique.

Dans la même logique, j’ai défendu des amendements qui m’ont été inspirés par les décisions prises en Suisse où l’on capitalise aussi sur l’immunité naturelle et où un test des anticorps permet d’accéder au passe sanitaire. J’ai interpellé le ministre à plusieurs reprises à ce sujet : « Monsieur le Ministre, je suis prêt à retirer ces amendements si vous arrivez à m’expliquer que les Suisses ont tort. Pouvez-vous nous indiquer pourquoi vous ne voulez pas accepter cela ? Pensez-vous que le gouvernement suisse ne cherche pas, comme nous, à protéger ses concitoyens ?». Hélas le ministre n’a jamais répondu à ces interrogations qui me semblent pourtant légitimes. Ces non réponses créent d’ailleurs de la suspicion et de la défiance.

Concernant les libertés publiques, je suis là aussi surpris par la tournure des débats. Lors de débats précédents, où il était question de lutter contre le terrorisme et protéger nos concitoyens, nous avons relevé que le même gouvernement ne voulait par exemple pas donner certains pouvoirs aux policiers municipaux et par exemple, maintenir une vision très restrictive de leur possibilité de contrôler une identité. Et là, les mêmes viennent devant la représentation nationale pour nous dire qu’un serveur pourra demander une pièce d’identité pour vous permettre de prendre une limonade. Là aussi, on nage en pleine contradiction. On donne aujourd’hui à des commerçants des pouvoirs que l’on refuse à des policiers municipaux. Où est la cohérence voire même la légitimité de l’action publique ?

Je regrette aussi qu’aucune « clause de revoyure » n’ait été prévue et que rien n’ait été dit sur la fin de la mise en œuvre du passe vaccinal. On va un peu plus loin dans un régime d’exception sur lequel le Parlement n’a aucun contrôle et dont on ignore les conditions permettant d’en sortir. C’est un blanc-seing donné au Gouvernement sans perspective claire de sortie. Avoir des mesures d’exception qui s’appliquent depuis plus de deux ans, sommes-nous encore dans l’exception ?

Enfin, je pense aussi à notre jeunesse qui souffre de cette crise sanitaire. Si, après de nombreuses discussions, nous avons obtenu que les mineurs de 12 à 15 ans ne soient pas soumis au passe vaccinal, pour autant, les 16-17 ans seront concernés. Or, pour moi, il est hors de question de couper nos jeunes d’activités extrascolaires sportives et culturelles dont ils ont besoin socialement. Et là aussi, j’ai porté des amendements qui m’ont permis de demander au ministre quel était le bénéfice individuel de la vaccination pour cette tranche d’âge qui ne développe que très rarement des formes graves. La balance bénéfice risque doit être un élément important dans la prise de décision. Là aussi, le silence gouvernemental en dit long sur l’incapacité à argumenter avec précision sur les choix opérés.

Lorsque des concitoyens m’interrogeaient sur ma position concernant le texte, je leur disais que je préférais attendre la fin des débats pour me prononcer car durant un débat parlementaire, il y a parfois de nouveaux équilibres qui se font jour, des amendements qui sont acceptés. En somme, des améliorations du texte d’une part et des explications du gouvernement d’autre part, qui permettent de mieux comprendre les orientations prises. A l’issue des débats, force est de constater que les aspects négatifs contenus dans ce texte, tels que ceux que je viens de mentionner, l’emportent très largement et le gouvernement a tout fait pour esquiver les vraies questions, cherchant à cliver en permanence. J’ai donc voté contre.

Et pour finir, remettons aussi ce projet de loi dans un contexte un peu plus large. Depuis le début de cette pandémie, le Gouvernement fait reposer l’intégralité de la prévention face au Covid-19 sur les épaules des Français sans faire d’efforts pour renforcer notre système de soins. Au lieu d’augmenter le nombre de lits en réanimation conformément aux promesses présidentielles, des lits ferment du fait de la politique du Gouvernement. Les hôpitaux manquent de moyens et il y a actuellement de fortes tensions sur les effectifs hospitaliers. C’est le résultat de la politique de santé menée depuis le début du quinquennat. Le Gouvernement devrait accorder des moyens plus importants à notre système hospitalier pour l’aider à faire face à la crise sanitaire. Ce n’est pas le passe vaccinal qui va résoudre ce problème…