Tribune des députés LR: «La légalisation de l’euthanasie ne répond nullement au sentiment d’abandon des patients en fin de vie»

Publié le 07/04/2021 dans les catégories Santé Médias

FIGAROVOX/TRIBUNE - Alors que la proposition de loi visant à créer un droit à l’euthanasie sera débattue demain à l’Assemblée nationale, les députés Les Républicains s’opposent avec fermeté à sa légalisation.

Tribune collective publiée le 07/04/2021

Depuis un an, personnel de santé, pompiers, se battent et s’exposent pour sauver des vies. Depuis un an, nos concitoyens acceptent de voir leurs libertés mises entre parenthèses, qu’il s’agisse de la liberté d’aller et venir, de réunion ou de manifestation. Depuis un an, pour sortir au plus vite de cette ambiance mortifère, nous avons sacrifié nos activités économiques, sociales et culturelles. Nous déplorons la perte quotidienne de 250 personnes. C’est pourtant le moment que choisissent des députés pour revendiquer la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté. Initiative étrange, incongrue, provocatrice et méprisante pour tous ceux qui se battent chaque jour pour sauver des vies et s’engager au service des plus faibles et des plus vulnérables d’entre nous.

Cette initiative copie la législation belge avec des règles qui, sur de nombreux points, vont même au-delà de la législation d’Outre-Quiévrain.

Tout en revendiquant l’expression d’une ultime liberté de l’individu, ce texte s’en remet totalement au pouvoir médical. En recourant à l’expression d’«assistance médicalisée à mourir», il se refuse à employer les mots d’euthanasie et de suicide assisté. Il est d’une grande imprécision sur les modalités de la procédure, alors que celles-ci sont les garanties constitutionnelles d’une liberté personnelle, le droit à la vie. La publication en janvier dernier par The Journal of Medicine and Philosophy d’un article sur l’euthanasie en Belgique a montré les dérives de cette législation. À qui fera-t-on croire que, sur 25 000 euthanasies depuis 2002 en Belgique, il n’y a eu qu’un seul motif de saisine du parquet? Médecins peu formés en la matière, interprétation très extensive du champ des souffrances psychiques, délais non respectés, défaut de consultation d’un second médecin, euthanasie sur des personnes ne l’ayant pas demandée, absence de déclarations d’euthanasie dans un tiers des cas, autocontrôle des médecins, sont les illustrations les plus criantes de pratiques déviantes que l’on présente comme exemplaires. C’est ainsi que l’euthanasie de deux frères jumeaux de 45 ans nés sourds ou celle d’une personne de 44 ans souffrant d’anorexie sont passés sous silence.

C’est déformer la réalité que de soutenir que la légalisation de l’euthanasie en Belgique a été de pair avec le développement des soins palliatifs.

C’est déformer la réalité également que de soutenir que la légalisation de l’euthanasie en Belgique a été de pair avec le développement des soins palliatifs. On constate au contraire une saturation des unités existantes, une réduction des durées de séjour, une création d’unités de soins palliatifs hors de ce cadre, un manque de formation des soignants, sans parler d’une substitution progressive des soins palliatifs par la démarche euthanasique. À l’heure où l’on prétend lutter contre le séparatisme dans la société, le risque serait grand de voir, comme chez nos voisins, des médecins, des services et des établissements se plier à cette logique, tandis que d’autres s’y refuseraient. Les soignants ne doivent-ils pas partager les mêmes valeurs essentielles? Nous avons la chance d’avoir un modèle de protection sociale de la santé en France qui met le patient au centre de son projet. L’euthanasie casserait tout cet édifice.

Au-delà de ces dérives, la légalisation de l’euthanasie ne répond nullement au sentiment d’abandon des patients en fin de vie, ni à leur isolement. Elle est génératrice de profonds déséquilibres dans une société vieillissante, privée de repères aujourd’hui et basculant dans la folie demain. Les plus fragiles ne finiraient-ils pas par intérioriser le rejet dont ils font l’objet de la part des plus forts, des jeunes et des bien portants? Quelle serait la crédibilité d’une politique de prévention du suicide, si «en même temps», la loi admettait le suicide assisté? Une aide active à mourir entraînerait un bouleversement majeur dans la relation au soin. Indiquer à une personne qu’elle a raison de vouloir mourir ne serait pas qu’un pas de plus dans la législation. Ce serait emprunter un tout autre chemin qui est une ligne rouge.

Les partisans de l’euthanasie et du suicide assisté partent du postulat que la solution à la souffrance est la mort, comme si on pouvait se débarrasser du problème en se débarrassant du malade.

Les partisans de l’euthanasie et du suicide assisté partent du postulat que la solution à la souffrance est la mort, comme si on pouvait se débarrasser du problème en se débarrassant du malade. Ils ont la vision théorique d’un être abstrait, maître de son destin, alors que la pandémie nous invite à l’humilité et que le patient par nature est vulnérable, ambivalent et influençable.

Ultime argument des défenseurs de l’euthanasie: le sens de l’histoire. Les États n’ayant pas légalisé l’euthanasie seraient en retard par rapport à une avant-garde européenne incarnée par le Benelux. Le raisonnement est spécieux, chaque pays agissant avec ses convictions, sa culture et ses valeurs.

Pour autant, il faut admettre la réalité du mal mourir dans notre société et offrir des réponses à ceux qui appréhendent une fin de vie dans la souffrance.

S’il faut se réjouir de l’annonce d’un nouveau plan de soins palliatifs par le ministre de la santé, celle -ci survient après deux ans d’inaction. Les lois de 2005 et 2016 ont accru les droits des malades en fin de vie mais tout reste à faire pour mieux diffuser la culture palliative par un gros effort de formation afin d’adapter la culture médicale aux enjeux de la fin de vie. Par ailleurs l’acte qui sauve est actuellement davantage mis en valeur que le geste qui soulage et prend du temps. Par rapport à la médecine qui guérit, la médecine palliative est moins bien considérée, aussi faut-il revoir notre système de financement de la santé, en privilégiant la prise en charge globale du malade plutôt que le seul traitement de sa maladie. Assurer une égale répartition entre les structures hospitalières et les soins à domicile sur tout le territoire constitue enfin une priorité. C’est dans ces trois directions exigeantes qu’il faut s’engager, de préférence à une voie hasardeuse dont on connaît désormais tous les risques, aboutissant à 12 000 euthanasies par an, si on transpose à la France les pratiques suivies en Flandre.

 

Nathalie Bassire

Thibault Bazin

Xavier Breton

Jacques Cattin

Gérard Cherpion

Josiane Corneloup

François Cornut-Gentille

Philippe Gosselin

Patrick Hetzel

Guillaume Larrivé

Marc Le Fur

Philippe Meyer

Didier Quentin

Julien Ravier

Frédéric Reiss

Jean-Louis Thiériot

Charles de la Verpillière