Vous venez de dénoncer la récente réorganisation des services académiques. Concrètement, qu’est-ce que change cette réorganisation ?
Cette réorganisation consiste à concentrer de plus en plus de pouvoirs chez les recteurs de régions académiques au détriment des autres recteurs. Ces derniers perdent deux pouvoirs très importants. D’une part, ils perdent le rôle de chancelier des universités, c’est-à-dire celui de tutelle de proximité de l’État sur les établissements d’enseignement supérieur. D’autre part, les recteurs de régions académiques sont les responsables uniques du « budget de soutien » (aussi bien les dépenses de personnel que de fonctionnement ou encore d’investissement). Tout cela est à l’inverse d’une bonne administration car on éloigne le lieu de prise de décision du terrain et l’on crée des recteurs de plus en plus hors sol.
L’actuel gouvernement donne l’impression d’avoir une véritable stratégie de recentralisation. Partagez-vous cette impression générale ?
Oui. Le pouvoir actuel a aussi une méfiance très forte vis-à-vis des corps intermédiaires et des élus de proximité. Résultat, tout est décidé loin du terrain, par des administrations qui ne sont jamais sorties du périmètre intérieur au périphérique parisien. Ce pouvoir se nourrit d’une forme de défiance permanente vis-à-vis de ce qui existait avant son arrivée. Cela revient à rejeter sans discernement les modes d’organisation précédents. Je pèse mes mots : il y a derrière tout cela une vision totalitaire. La culture actuelle du pouvoir en place est basée sur une très forte défiance. Le Président de la République devrait au contraire tout mettre en œuvre pour créer de la confiance. C’est hélas tout l’inverse qu’il fait.
Il semble que l’alpha et l’oméga de la politique en matière d’enseignement supérieur soit de constituer des établissements toujours plus gros, officiellement pour résister à la compétition internationale. Mais n’est-ce pas surtout de liberté et de responsabilité que manquent nos universités (qui, d’une part, ne peuvent pas sélectionner leurs étudiants et, d’autre part, peuvent difficilement récompenser les meilleurs chercheurs ou sanctionner les moins bons) ?
C’est très juste et, là encore, on se trompe. Créer des synergies, rapprocher, coordonner, mutualiser, oui. Uniformiser et bureaucratiser, non. Il faut passer à une nouvelle étape de la loi Libertés et Responsabilités des Universités de 2007, en donnant effectivement plus d’autonomie aux établissements d’enseignement supérieur et en permettant de penser l’autonomie au sein des universités, en favorisant plus de prises d’initiatives aux différentes composantes au sein de notre système universitaire. La future loi recherche est un enjeu majeur. Hélas, ce qui me revient pour le moment, c’est que les universités seront les grandes perdantes, alors qu’à l’international, le modèle largement dominant, ce sont des universités qui jouent pleinement leur rôle en matière de recherche. Derrière tout cela, il y a la vision de Bercy, qui voudrait que l’on applique une vision « top down » via un contrat où l’État décide de tout. Pour moi, la Macronie est marquée par un néo-jacobinisme effrayant.
Vous êtes l’un des rares spécialistes de l’enseignement au sein de la droite parlementaire. Que devrait faire, selon vous, une majorité de droite pour réformer l’enseignement supérieur ?
Obliger les organismes de recherche à coopérer véritablement avec les universités. Passer d’une évaluation ex ante à une évaluation ex post. Donner plus de liberté aux établissements d’enseignement supérieur en contractualisant sur des objectifs à atteindre, après négociation, et en laissant les établissements s’organiser, y compris en donnant plus de liberté aux composantes au sein des établissements. Passer d’un paradigme de l’unicité à celui d’une pluralité en favorisant plus de diversité organisationnelle au sein d’un même établissement. Débureaucratiser le système d’enseignement supérieur et de recherche. Donner des moyens supplémentaires à l’Agence Nationale de la Recherche pour permettre de financer davantage de projets de recherche. L’autonomie n’est pas qu’une finalité, c’est une vision stratégique et un mode d’action pour permettre aux organisations universitaires de s’adapter aux enjeux contemporains.
Entretien avec Patrick Hetzel
Député LR du Bas-Rhin