Loi de règlement pour 2021
Publié le 19/08/2022 dans les catégories Economie
Moment de vérité pour le gouvernement : une situation catastrophique de nos comptes publics.
En dernière lecture, j’ai une nouvelle fois voté contre la loi de règlement 2021 qui reflète l’état de notre situation budgétaire au 31 décembre 2021:
- une hausse des prélèvements auprès des Français. En 5 ans, les seules recettes fiscales prélevées auprès des Français ont augmenté d’environ 65 Mds d’euros, soit 4% d’augmentation annuelle;
- un dynamisme des recettes qui n’a pas été consacré au désendettement;
- des dépenses courantes ( hors dépenses crise) de l’État qui ont augmenté de 140 Mds d’euros en 5 ans de 2017 à 2021;
- un déficit public 2021 record qui s’établit à 6,4 % du PIB fin 2021, alors qu’il est de 3,7 % en Allemagne et de 5,1% au niveau de la zone euro;
- une dette qui a augmenté de plus de 600 Mds d’euros en 5 ans, aboutissant à une dette publique de 2 813 Mds d’euros, soit 112,5 % du PIB fin 2021, alors qu’elle est de 95,6 % du PIB au niveau de la zone euro.
Le texte est toutefois adopté par la majorité des députés.
Voici mon intervention à la tribune de l’Assemblée nationale à ce sujet :
« Madame la Présidente, Monsieur le Ministre, Monsieur le Président de la Commission des finances, Monsieur le Rapporteur général, Mes chers collègues,
Même en lecture définitive du projet de loi de règlement des comptes de 2021, je me dois de vous rappeler que, pour la première fois depuis vingt-deux ans, le Gouvernement a déposé le projet de loi de règlement après le 1er juillet, soit avec plus d’un mois de retard sur la date limite prévue par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), nous empêchant de prendre connaissance des éléments d’exécution budgétaire et d’informer les Français sur le bon usage de leurs impôts et l’efficacité de l’action publique.
Depuis la campagne présidentielle, vous n’avez eu de cesse de rappeler que le Parlement serait plus étroitement impliqué, mais vous n’êtes pas passé de la parole aux actes avec ce texte.
Ce projet de loi a été rejeté à l’Assemblée puis au Sénat. Nous déplorons la situation très dégradée de nos finances publiques. C’est aussi le constat sévère de la Cour des comptes.
Si la France a connu un fort rebond de son activité économique en 2021 (+ 6,9 %), le niveau global de l’activité n’était toujours pas revenu en 2021, à celui de l’année 2019, notamment à cause de la dégradation de notre commerce extérieur et d’une consommation encore déprimée.
Le solde public est déficitaire d’environ 160 milliards d’euros soit 6,5 % du PIB. Ce niveau est très important en comparaison de celui de nos partenaires européens.
Je note que 24 des 27 pays de l’Union Européenne ont réduit leur dette entre 2017 et 2019, y compris un pays comme le Portugal alors dans une situation bien plus défavorable que la nôtre. Mais la France en a été incapable faute de courage de la part du Gouvernement et faute d’une ambition réformatrice. La majorité n’a jamais profité des trois années de croissance et de taux bas entre 2017 et 2020 pour désendetter le pays.
Je ne fais que citer la Cour des comptes : « l’effort structurel de redressement des finances n’a été que marginal » et « cette période constitue une occasion manquée dont les conséquences sont encore visibles aujourd’hui »
Le rattrapage économique a eu un coût, celui de la dégradation des comptes publics. En effet, si l’économie dans son ensemble a enregistré un montant de pertes de revenus cumulées de plus de 60 milliards d’euros, cela n’a été permis qu’avec l’absorption par les administrations publiques de 156 milliards d’euros de ces pertes.
Rétrospectivement, on peut observer que, du point de vue économique, l’année 2021 a préfiguré quatre chocs que nous subissons en 2022 : un choc d’approvisionnement en matières premières, un choc sur l’évolution des prix, un choc sur les marges des entreprises et – ce n’est pas le moindre – un choc sur le coût de financement de la dette.
Les prix à la production ont fortement accéléré au cours de l’année 2021, dans le contexte d’une reprise économique mondiale marquée. Les consommateurs n’ont pas immédiatement subi cette augmentation, les entreprises ayant d’abord réduit leurs marges. Mais, à compter de l’été 2021, l’inflation des prix à la consommation a fortement progressé.
Cette situation très dégradée n’est pas sans conséquence hélas. Les Français risquent en effet de la payer au prix fort en raison de l’augmentation brutale de la charge de la dette, sous le double effet de l’inflation et de la remontée des taux.
Tout au long de l’année 2021, nous avons assisté à une remontée des taux d’intérêt nominaux des obligations souveraines à dix ans, qui sont passés par deux fois en terrain positif. Les conditions de financement de la dette française changent ; il va falloir en tenir compte pour l’avenir.
Alors même que l’ère de l’endettement « à bon marché » prend fin, le Gouvernement ne présente aucune mesure susceptible de revenir dans les années à venir à une meilleure maîtrise des dépenses.
Monsieur le ministre, la cote d’alerte sur les finances publiques n’est pas seulement atteinte, elle est dépassée depuis bien longtemps, et c’est votre majorité qui en est la première responsable. Ce n’est pourtant pas faute de vous avoir mis en garde, depuis cinq ans, avec mes collègues députés Les Républicains.
Notre dette dépasse désormais les 2 900 Md€, soit près de 44 000€ de dette par Français. Une dette qui ne cesse de s’accumuler et qui est un impôt différé pour les Français.
Cette dette, vous cherchez au passage à la camoufler en la minorant de près de 100 Md€, en utilisant l’artifice des primes d’émissions.
Notre dette est supérieure de près de 45 points à la dette allemande, quand, en comparaison, la dette de la France était encore quasiment équivalente à celle de l’Allemagne en 2010.
Et la situation va encore se dégrader puisque la dette publique française remonte à 114,5 % du PIB à la fin du premier trimestre 2022, contre 112,9 % à la fin décembre 2021.
Nous payons aussi la multiplication des chèques non financés et la surenchère de promesses électoralistes avant les présidentielles.
Le surcroît de dépenses entre 2019 et 2021 est plus de trois fois supérieur aux sommes mises en œuvre lors de la crise financière de 2008 à 2010.
La dépense courante, c’est-à-dire la dépense sans lien avec la crise ou la relance, aura augmenté de 140 milliards d’euros sur le quinquennat. C’est bien plus que l’augmentation de la dépense courante pendant tout le mandat Hollande.
Il est à craindre que le Gouvernement ne considère le niveau actuel de dépenses comme un plancher pour les dépenses futures, et non pas comme une situation exceptionnelle et temporaire.
Au travers de cette loi de règlement, nous dénonçons la duplicité du Gouvernement qui nous vante des baisses d’impôts sans préciser les recettes fiscales.
Dans ces conditions, nous ne voterons donc pas ce projet de loi de règlement, un projet de loi que vous auriez d’ailleurs dû nous présenter bien plus tôt, alors qu’il est déjà totalement obsolète. »