Recherche médicale, grande priorité nationale : proposition de résolution
Publié le 02/08/2019 dans les catégories Enseignement Sup & Recherche Santé
Patrick Hetzel vient de déposer conjointement avec Jean-Pierre Door une proposition de résolution invitant le Gouvernement à faire de la recherche médicale une grande priorité nationale. La France a longtemps été un des pays européens dont la part du produit intérieur brut (PIB) consacrée à la recherche, du fait de l’effort budgétaire de l’Etat était la plus élevée. Cet effort trouvait sa source dans une volonté politique consistant à hisser la recherche et les technologies françaises à leur plus haut niveau et à instituer un pilotage national et une coordination de celles-ci. Sous l’impulsion du général de Gaulle et de Michel Debré la recherche scientifique et technique devient une priorité nationale. Une politique spatiale est alors lancée ; un statut de chercheur est institué. En 1958 ont également été créés les centres hospitaliers régionaux (CHU) ainsi qu’un corps de professeurs hospitaliers et universitaires plein temps (PU-PH) devant assurer la triple fonction de soins, d’enseignement et de recherche. Il s’agissait de mobiliser les ressources disponibles en vue d’élever la part du PIB consacrée à la recherche. Celle-ci a atteint 2,4 % dans les années 1990. Ainsi plus récemment, entre 2006 et 2016, la dépense intérieure de recherche et développement (DIRD) a progressé de 1,6 % par an, soit à un rythme deux fois supérieur à la progression du PIB. Mais en 2017 la DIRD n’a que légèrement progressé, + 0,6 % en volume par rapport à 2016 tandis que le PIB augmentait de 2,2 %. Avec 2,19 % du PIB consacré à la recherche intérieure en 2017, la France se place en deçà de l’objectif de 3 % assigné par l’Union Européenne dans le cadre de la stratégie Europe 2020, ainsi que de son propre objectif fixé dans le cadre de la stratégie nationale de la recherche (SNR). L’objectif de consacrer 3% du PIB à la recherche et au développement était aussi une promesse de campagne d'Emmanuel Macron. Or force est de constater que la France n’est plus qu’à l’avant-dernière place parmi les six pays de l’OCDE les plus importants en terme de volume de DIRD, derrière la Corée du Sud (4,2 %), le Japon (3,1 %), l'Allemagne, qui s’est fixée un nouvel objectif à 3,5% (2,9 %), et les États-Unis (2,7 %).
Alors que l’aide à la recherche se développait dans les pays étrangers concurrents, le budget de fonctionnement des laboratoires français se réduisait. L’Index 2019 publié par la revue Nature, qui passe en revue la hiérarchie mondiale de la recherche scientifique, montre que si le CNRS y reste bien classé, la France a connu un déclin marqué en 2018. Le recul de la recherche scientifique française apparaît aussi à travers la baisse de la part mondiale de ses publications scientifiques. Même si le nombre de publications des laboratoires français a augmenté, malgré la baisse de la dépense publique de recherche et la stagnation des effectifs, avec des résultats très notables en biologie, immunologie, physique et imagerie, chimie et mathématiques, la part mondiale des publications de la France a diminué pour passer de la cinquième à la septième place. Le caractère alarmant de la situation de la recherche française s’est accentué. Il est transposable à la recherche médicale. Dans le domaine de la recherche clinique, par exemple, selon le registre européen des essais cliniques sur de nouveaux médicaments, la France est aujourd’hui dépassée par la plupart des autres grands pays européens, loin derrière l’Allemagne, le Royaume-Uni et même la Belgique. La Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) sur l’évaluation du financement public de la recherche dans les universités avait déjà, l’an dernier, appelé à définir une stratégie de financement, qui permette d’allouer plus de moyens aux chercheurs pour soutenir leurs projets, grâce à un réel pilotage budgétaire stratégique fondé sur l’évaluation de la recherche effectuée.
De même, si la Cour des comptes considère dans une communication de décembre 2017 que le modèle de coopération établi entre les universités et les CHU au service de l’excellence médicale a montré sa pertinence, elle souligne cependant ses fragilités et appelle à une adaptation de son organisation actuelle pour répondre aux nouveaux enjeux de la formation médicale et de la recherche. La Cour observe qu’en matière de recherche biomédicale, l’objectif des pouvoirs publics devrait être de faire émerger cinq à dix CHU dont l’activité de recherche bénéficierait d’une visibilité internationale suffisante en confiant à ces pôles une responsabilité de tête de réseau, et en intégrant dans le modèle d’allocation de leurs moyens des objectifs de coopération et de soutien des établissements partenaires. La Cour des comptes considère également que le pilotage national de la recherche biomédicale doit être renforcé grâce à une meilleure coordination des administrations centrales chargées de la santé et de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ce constat d’une crise de la recherche médicale française est partagé par les quatre conférences de santé en médecine, odontologie, pharmacie et maïeutique. Les quatre conférences de santé considèrent en effet que ce déclin est dû essentiellement à quatre causes : la complexité de l’organisation et de la gouvernance de notre recherche, un déficit et une complexité des financements publics et privés, un défaut d’attractivité des métiers de la recherche notamment pour les professions de santé, et enfin, une compétition internationale déstructurante qui met en lumière une inadaptation de l’organisation de notre recherche à la culture internationale et qui entraîne une fuite des cerveaux. Le 1er février 2019, le Premier ministre a annoncé la préparation d'un projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche. L’élaboration de ce projet de loi de programmation est l’occasion de promouvoir une transformation de notre système hospitalo-universitaire et de rappeler que la recherche scientifique, notamment la recherche médicale, doit redevenir une priorité nationale.