Rendre effectifs les soins palliatifs sur tout le territoire
Publié le 26/05/2023 dans les catégories Santé
Avec ses collègues Philippe Juvin et Yannick Neuder, Patrick Hetzel a pris l’initiative d’une proposition de résolution visant à rendre effectifs les soins palliatifs sur tout le territoire avant toute modification de la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. En effet, à chaque grand débat sur la fin de vie au Parlement, le constat est unanime : il y a une nécessité absolue de développer les soins palliatifs. Les rapports se succèdent et arrivent à des conclusions similaires.
Déjà en 2007, la Cour des comptes avait sensibilisé les pouvoirs publics sur « les retards et la lenteur » de la mise en œuvre des démarches palliatives. Elle avait alors appelé à prendre en compte pleinement « la dimension humaine et compassionnelle » de la prise en charge et le développement des « soins palliatifs dans le secteur médico-social et à domicile ».
Le Rapport Sicard remis en 2012 au Président de la République « Penser solidairement la fin de vie » parlait du cloisonnement des institutions et des budgets, d’un manque de cohérence des structures disponibles aboutissant à une inégalité d’accès aux soins palliatifs selon les régions.
En 2015, un autre rapport de la Cour des comptes fait état d’un « recours aux soins palliatifs encore limité ». La Cour estime que « l’accès aux soins palliatifs demeure globalement limité, et nettement moins répandu que dans certains pays étrangers. Le développement d’une offre de soins graduée en milieu hospitalier n’a pas permis de résorber les inégalités territoriales. La prise en charge extra-hospitalière est demeurée le parent pauvre et reste toujours à construire, que ce soit à domicile ou en établissement d’hébergement des personnes âgées dépendantes ».
L’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) a inscrit à son programme d’activités 2015-2016 l’évaluation de l’efficience et de l’efficacité de la prise en charge des soins palliatifs à domicile. L’IGAS déplore « un système de soins globalement aveugle lorsqu’il s’agit d’évaluer l’effectivité et la qualité des prises en charge palliative » à domicile. A cela s’ajoute un élément encore plus d’actualité, à savoir le non-renouvellement des médecins généralistes et les difficultés de recrutement d’infirmières, d’aides-soignants et d’auxiliaires médicaux, qui est « une source de préoccupation importante parmi les acteurs de ville en charge des prises en charge palliatives ».
La loi n° 2016-87 du 2 février 2016, dite loi Claeys-Leonetti, a confirmé l’importance du droit aux soins palliatifs. C’est même considéré comme une priorité de santé publique. Pourtant, une fois encore, le constat est sévère : « malgré la mise en œuvre de trois plans triennaux consacrés à développer les soins palliatifs, 80 % des personnes malades n’y ont toujours pas accès ». Des disparités importantes étaient signalées : 5 des 26 régions concentrent les deux tiers des unités de soins palliatifs (USP). Des parlementaires s’interrogeaient lors de l’examen de ce projet de loi du fait que la loi de 2005 prévoyant un meilleur déploiement des soins palliatifs n’était pas appliquée et se demandaient si le premier objectif n’était pas déjà une mise en place effective afin de permettre un meilleur recours, une meilleure répartition sur le territoire et une formation plus complète des praticiens.
L’avis 139 du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) publié en septembre 2022 est aussi sans appel. Ce rapport demande l’application d’une « politique résolument volontariste qui n’appelle pas de réforme législative mais qui engage des mesures permettant d’aboutir dans les meilleurs délais à une intégration des soins palliatifs dans la pratique de tous les professionnels de santé et en tous lieux de soins ». Dans ce même avis, on peut lire que : « De notre point de vue, cette évolution ne pourrait être discutée qu’à la condition sine qua non qu’un certain nombre de prérequis soient d’ores et déjà effectifs :
- la connaissance, l’application et l’évaluation des nombreux dispositifs législatifs existants,
- un accès aux soins palliatifs et un accompagnement global et humain pour toute personne en fin de vie ».
A la demande du Président de la République, le Conseil économique, social et environnemental a mis en place en décembre 2022 une Convention citoyenne sur la fin de vie. Lors de la remise des conclusions en mars 2023, ses membres ont relayé les préoccupations et le vécu des équipes soignantes et de leurs concitoyens en déplorant « les inégalités d’accès aux soins palliatifs sur le territoire ».
La commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale avait décidé en septembre 2022 d’une mission d'évaluation de la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, dite « Claeys-Leonetti ». Lors de la remise du rapport en mars 2023, trois problèmes principaux ont été soulevés dont celui de l’accès insatisfaisant aux soins palliatifs. Le Président de la mission, M. Olivier Falorni, a souligné que « nombreuses ont été les personnes auditionnées à indiquer que deux tiers des malades nécessitant des soins palliatifs n'y avaient pas accès ».
Le ministre de la santé, M. François Braun, s’est récemment exprimé sur la fin de vie en affirmant que « la priorité devra être donnée au renforcement de l’existant ». Il demande la consolidation des outils déjà prévus dans les lois et le soutien aux soins palliatifs avant de légiférer.
Malgré les recommandations de tous ces rapports, malgré la mise en œuvre de plusieurs plans nationaux consacrés à développer les soins palliatifs, 80% des personnes malades n’y ont toujours pas accès. Peut-on accepter qu’il y ait encore vingt et un départements totalement dépourvus d’unités de soins palliatifs à la fin 2021 ?
Pourtant, dès 1999, une première loi « visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs » était promulguée : elle était prometteuse. Son article 7 précisait : « Les établissements de santé, publics ou privés, et les établissements médico-sociaux mettent en œuvre les moyens propres à prendre en charge la douleur des patients qu'ils accueillent et à assurer les soins palliatifs que leur état requiert, quelles que soient l'unité et la structure de soins dans laquelle ils sont accueillis ».
L’article L. 1110-9 du code de la santé publique, reprenant l’article 1er A de la loi de 1999 indique clairement qu’il s’agit d’un droit : « Toute personne malade dont l'état le requiert a le droit d'accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement ».
Aussi, la proposition de résolution vise à rendre effectif ce droit aux soins palliatifs sur tout le territoire avant toute modification de la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.