Réforme des retraites : des choix lourds de sens
Publié le 17/03/2023 dans les catégories Economie Vie sociale Politique
Sauver le régime de retraite par répartition est une question et un enjeu importants. Le Président de la République et sa Première ministre ont décidé d'utiliser la voie de l'article 47-1 de la Constitution, c’est-à-dire la voie d’un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, pour engager leur réforme des retraites qui a des conséquences sur la vie de tous les Français.
Dès le début, avec mon groupe parlementaire, nous avons dénoncé la méthode car une telle réforme méritait d’utiliser la procédure parlementaire « classique » mais ils ont manifestement écarté cette solution afin de pouvoir utiliser le 49-3 en fin de procédure.
Nous étions ensuite confrontés à un dilemme. Devions-nous nous joindre aux autres oppositions pour bloquer totalement le texte ou alors devions-nous emprunter la voie de la responsabilité en cherchant à l’améliorer en proposant des amendements et en imposant des aspects auxquels nous tenions plus particulièrement parce que cela allait dans le sens de l’intérêt général. C’est cette seconde voie que nous avons retenue très majoritairement à l’Assemblée nationale et c’est aussi celle qui fut empruntée par nos collègues sénateurs. Nous l’avons fait en conscience car nous considérons que notre rôle est de proposer, d’améliorer et de construire l’avenir. Sauvegarder notre régime de retraite par répartition, c’est protéger les plus modestes car il repose sur la solidarité.
Le choix de cette orientation politique est aussi largement lié au fait que nous n’avons cessé de nous demander ce qu’il fallait faire dans l’intérêt du pays et une seule chose devenait évidente : ne rien faire et reporter au lendemain serait pire que tout. Il nous semblait que, malgré toutes les vicissitudes, il était préférable d’agir même si de notre côté, nous ne maîtrisions ni le calendrier ni le contenu du texte initial qui étaient les choix exclusifs du gouvernement, le tout dans un contexte très défavorable où les Français souffrent tout en ayant subi pendant presque 3 années la crise du Covid.
Lorsque le texte devait être débattu à l’Assemblée, avec mes collègues, nous avons déploré l’obstruction méthodiquement orchestrée par la NUPES et plus particulièrement LFI pour nous empêcher de débattre sur le fond et de défendre nos amendements sur les carrières longues, les mères de famille, la pénibilité, l’emploi des séniors, etc. Ils nous ont confisqué le débat et le spectacle fut lamentable : une « zadisation » en règle de notre Assemblée nationale.
Heureusement, le Sénat a pu débattre et apporter des améliorations significatives au projet. La commission mixte paritaire qui s’est réunie mercredi 15 mars avait pour objectif de trouver un accord entre sénateurs et députés sur un texte. Mon groupe parlementaire fut représenté par notre président, le député Olivier Marleix. Ce dernier s’est battu pour que la question des carrières longues soit bien traitée dans le texte et pour qu’une clause de revoyure pour procéder à des corrections et améliorations dans le futur soit actée.
A l’issue de cette commission, le texte était donc devenu très différent de ce que le gouvernement avait initialement proposé et ceci grâce aux Républicains. Le problème, c’est que personne ne connaît les nombreuses et véritables avancées qui ont été actées grâce au Sénat et à la commission mixte paritaire. Pourtant, voici ce que nous avons obtenu :
Sur les départs anticipés de ceux qui ont commencé tôt ou exercent des métiers difficiles :
▪ Pour les carrières longues : la fixation de la condition de durée maximale de cotisations à 43 ans et la création d'un départ à 63 ans pour ceux qui ont commencé entre 20 et 21 ans;
▪ Pour ceux qui ont un état de santé ne permettant pas de poursuivre une activité professionnelle : par le maintien de la possibilité de partir à 60 ans à taux plein en cas d'incapacité permanente.
Sur les droits familiaux et la retraite des femmes :
▪ Une surcote de 5% par an à compter de 63 ans (soit 1 an avant l’âge légal) pour les mères qui ont validé leur durée d'assurance ;
▪ Le maintien des droits familiaux en cas de perte d'un enfant - notamment les trimestres éducation dans le privé et la majoration de 10% dans le public ;
▪ L'instauration d'une pension de réversion pour les orphelins dans le régime général, avec des mesures spécifiques concernant les enfants handicapés ;
▪ La suppression des droits familiaux en cas de condamnation pénale pour des faits commis sur un enfant ;
▪ L'augmentation du nombre de trimestres pour éducation attribués à la mère en cas de partage entre parents.
Sur les modalités de trimestres et les conditions de départ :
▪ L'octroi de trimestres pour les sapeurs-pompiers volontaires n'ayant pas toujours validé 4 trimestres par an, en sus des dispositifs de valorisation déjà existants ;
▪ La capacité, pour les élus locaux, de cotiser intégralement sur leurs indemnités.
Sur les petites pensions :
▪ D’indexer la pension minimale agricole également sur le SMIC ;
▪ De préciser le seuil d’exonération de la récupération sur succession de l’ASPA.
Sur les incitations à l’emploi des seniors :
▪ Expérimentation d’un CDI senior pour l’emploi de demandeurs d’emploi de longue durée de plus de 60 ans ;
▪ Suppression des incohérences du prélèvement social sur les ruptures conventionnelles pouvant désinciter à l’emploi des seniors.
Sur la lutte contre la fraude :
▪ Durcissement des conditions de résidence sur le territoire des bénéficiaires du minimum vieillesse ;
▪ Mise en place de contrôles biométriques des pensionnés résidant à l’étranger pour s’assurer qu’ils sont toujours en vie.
Je comprends aisément que beaucoup de concitoyens soient perdus et perçoivent cette réforme comme une injustice puisque le Président de la République lui-même, expliquait voici trois ans, qu’une réforme qui repousserait l’âge de départ à la retraite n’était pas une bonne réforme.
Jeudi 16 mars, en ayant étudié les avancées obtenues, avec une majorité de collègues Les Républicains, nous nous apprêtions à voter cette réforme. En entrant dans l’hémicycle, nous venions d’apprendre que la Première ministre ne nous permettrait pas de voter car elle allait recourir à l’article 49-3 de notre Constitution. Je le regrette et, à mon sens, il eut été préférable de passer par un vote. Ce choix gouvernemental est lié à des défections dans sa propre majorité.
Je déplore ce qui s’est passé dans l’hémicycle jeudi après-midi. Le spectacle donné par la France Insoumise est inqualifiable et indigne. Les députés du Rassemblement national étaient eux aussi dans la vocifération, empêchant la Première ministre de s’exprimer normalement. Ce que nous avons vu, c’est le chaos.
Ne souhaitant nullement ajouter du chaos au chaos, je ne voterai aucune motion de censure, d’où qu’elle vienne, car une motion de censure n’est pas une fin en soi. Pour en voter une, il faut être capable de proposer une autre majorité or, avec la composition de l’Assemblée nationale, cela voudrait dire que je m’allie aux extrêmes. Ce n’est pas ma vision et ce n’est pas ce que je souhaite pour mon pays.