Suppression des postes de juges d'instruction : Patrick Hetzel dénonce un nouveau scandale d'Etat
Publié le 29/10/2019 dans les catégories Justice
Le Canard enchaîné a révélé l'existence d'une note élaborée par les services du ministère de la Justice qui précise que les suppressions de postes des juges d'instructions prennent en compte les résultats électoraux du parti la République en Marche... Il s'agirait de protéger les territoires qui votent bien et punir ceux qui voteraient mal !
Patrick Hetzel, député du Bas-Rhin, dénonce un nouveau scandale d'Etat, une opération du pouvoir en place qui est contraire à toutes les valeurs de la République, et demande au Gouvernement de s'en expliquer.
Le mardi 29 octobre 2019, suite aux révélations du Canard enchaîné au sujet de la suppression des postes de juges d’instruction en fonction des votes favorables ou défavorables à Emmanuel Macron sur les territoires, Patrick Hetzel a interpellé la Garde des Sceaux lors des questions au gouvernement.
« M. le Président. La parole est à M. Patrick Hetzel.
Patrick Hetzel. Monsieur le Premier ministre, la presse a révélé l’existence d’une note élaborée par les services du ministère de la justice, adressée à votre cabinet.
Plusieurs députés du groupe LaREM. Encore cette question !
Mme Valérie Beauvais. Eh oui !
Patrick Hetzel. Cette note préconise que les suppressions de postes de juges d’instruction prennent en compte les résultats électoraux du parti La République en marche. (Exclamations continues sur les bancs du groupe LR.) Il s’agirait de protéger les territoires qui votent bien et de punir ceux qui voteraient mal.
Plusieurs députés du groupe LR. Scandaleux !
Patrick Hetzel. Il s’agit d’un nouveau scandale d’État, d’une dérive grave relevant de la politique politicienne.
Après le « mur des cons » élaboré par un syndicat de magistrats, voilà maintenant un « mur des cons » directement élaboré par les services du ministère de la justice en fonction du vote de nos concitoyens en faveur ou en défaveur de M. Macron et de son parti. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Meyer Habib applaudit également.)
Maxime Minot. On fait moins les malins !
Patrick Hetzel. Tout ceci est inqualifiable et indigne d’une République exemplaire que vous prétendiez pourtant incarner, monsieur le Premier ministre. Sans compter qu’il s’agit d’une opération contraire à toutes les valeurs de la République. Vous détournez l’appareil d’État, …
Thibault Bazin. Parfaitement !
Patrick Hetzel. …qui doit être au service de nos concitoyens, pour le mettre au service de vos seules visées partisanes.
Thibault Bazin. Eh oui !
Fabien Di Filippo. Bravo !
Ugo Bernalicis. C’est du joli !
Patrick Hetzel. Monsieur le Premier ministre, dans ces conditions, comment pouvez-vous maintenir votre confiance à une garde des sceaux qui revendique même de tels agissements inacceptables et scandaleux,…
Jean-Paul Dufrègne. C’est honteux !
Patrick Hetzel. …alors que, dans sa fonction, elle devrait être un garant absolu d’un fonctionnement impartial de nos institutions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
le Président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Un député du groupe LR. Bon courage !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Je tiens tout d’abord à présenter mes excuses pour mon retard en début de séance. Elles s’adressent particulièrement à M. Michel Zumkeller.
Monsieur Hetzel, pour répondre à votre question, je dirai deux choses. Tout d’abord, il ne s’agit pas d’une note des services de la chancellerie.
Plusieurs députés du groupe LR. Ah ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Ce à quoi vous faites allusion, qui a été révélé par Le Canard enchaîné, est un mail de cabinet à cabinet. (Vives exclamations sur les bancs du groupe LR et parmi les députés non-inscrits. – Rires sur plusieurs bancs FI et GDR.) Il s’agit donc d’un document qui n’a pas été rédigé par les services. Je tiens à le préciser, car les services de la chancellerie ne sont pas intervenus de ce côté-là. (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe LR.)
Plusieurs députés du groupe LR. Voilà qui règle tout !
Le président. S’il vous plaît, chers collègues, ne privez pas M. Hetzel de sa réponse !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Par ailleurs, la procédure suivie pour faire évoluer notre organisation judiciaire ne relève absolument pas d’une carte judiciaire. (Exclamations continues sur les bancs du groupe LR.) Elle relève simplement d’évolutions prévues par la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, qui met en place des éléments extrêmement précis et extrêmement sur ce sujet !
Maxime Minot. C’est du pipeau !
Philippe Gosselin. C’est un peu gros !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je pense à la fusion des tribunaux d’instance, et des tribunaux de grande instance au 1er janvier prochain et à l’instauration de spécialisations pour un certain nombre de contentieux.
Fabien Di Filippo. C’est un scandale d’État !
Thibault Bazin. Elle plaide coupable !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Sur ce sujet, je voudrais simplement dire que, bien entendu, tout ce qui s’attache à l’organisation des juridictions a évidemment un impact sur les territoires,…
Michel Herbillon. Un impact électoral !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. …et il est essentiel, me semble-t-il, que nous prenions en compte, comme vous l’avez demandé au moment du vote de la loi,…
Ian Boucard. Ça va être notre faute !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. …la réalité de ce qui est vécu par les territoires (Brouhaha sur les bancs du groupe LR jusqu’à la fin de l’intervention de Mme la garde des sceaux), c’est-à-dire l’impact géographique, l’impact sociopolitique, l’impact économique. Tout cela est tout à fait essentiel.
Plusieurs députés du groupe LR. Cela n’a rien à voir ! On n’y comprend rien !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Dans la mise en œuvre calendaire de ces réformes,…
Charles de la Verpillière. On rame !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Non, je ne rame pas, monsieur le député, je dis exactement les choses telles qu’elles sont. Dans la mise en œuvre calendaire de ces réformes, si nous ne faisions pas cette analyse politique, nous commettrions une erreur, et vous seriez les premiers à nous le reprocher. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Vives exclamations sur les bancs du groupe LR.)
Patrick Hetzel. Madame la Garde des Sceaux, où est la République exemplaire ? Vous devriez montrer l’exemple. Le fait que vous cautionniez une telle pratique, c’est là aussi une dérive institutionnelle qui marque le sceau de l’infamie ! »