Transformation numérique de la justice
Publié le 04/02/2022 dans les catégories Justice
Patrick Hetzel vient d’attirer l'attention du garde des sceaux, ministre de la justice sur le point d'étape du plan de transformation numérique du ministère de la justice dressé par la Cour des comptes à la demande de la commission des Finances du Sénat. Le bilan est sévère.
La Cour estime que ce plan de transformation numérique (PTN) élaboré pour la période 2018-2022 s'apparente davantage à « un plan de rattrapage » tant « le ministère de la justice se distingue par le retard considérable qu'il avait accumulé en 2018 lors du lancement du plan, par rapport aux autres ministères comme à l'égard de ses homologues européens », comme en attestent « des infrastructures informatiques vieillissantes et sous-dimensionnées, des applications obsolètes et des équipements insuffisants ». « Une véritable transformation numérique aurait dû avoir pour objectif de simplifier les procédures civiles et pénales grâce aux possibilités offertes par les nouveaux outils. ». «
Par ailleurs, ce plan, conçu davantage comme un portefeuille de projets, manque d'une stratégie globale ». Si la Cour des comptes admet que « le PTN, tel qu'il avait été défini en 2017, à la veille de son lancement, ne pouvait être figé », il est donc « légitime que sa mise en œuvre ne s'effectue pas strictement selon ce qui était prévu ». Toutefois elle observe aussi que « les évolutions législatives et réglementaires intervenues depuis le lancement du PTN, notamment celles prévues par la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice […] ont été adoptées en prenant insuffisamment en compte la capacité du ministère de la justice à mettre en place ou à adapter les systèmes d'information nécessaires pour les mettre en œuvre. Il en a résulté un décalage entre la date d'entrée en vigueur de certaines dispositions et la mise en service des outils numériques indispensables pour les gérer ». S'y ajoute un risque de dérapage des coûts. "Ce constat est confirmé pour les deux plus importants projets, Cassiopée et Portalis, éléments centraux du traitement respectivement des chaînes pénale et civile. Lancés depuis plusieurs années, ils accumulent retards et dépassements de budget. Cassiopée, seul de ces deux projets à être réellement déployé, n'apporte pas un niveau de satisfaction suffisant aux utilisateurs. Portalis, projet ambitieux de dématérialisation de la chaîne civile, connaît des difficultés telles qu'à ce jour, le ministère de la justice ne peut prévoir ni son coût total, ni la date à laquelle le système sera opérationnel ».
La Cour des comptes remarque encore que « le ministère a parfois manqué de pertinence dans le choix des chantiers qui ont été privilégiés ou dans les méthodes de travail pour les réaliser. Ainsi, pour le projet Portalis, la priorité a été donnée au développement de fonctionnalités offertes au justiciable pour effectuer des saisines directes en ligne ou pour améliorer son information, alors que le préalable indispensable était de terminer la refonte d'applications civiles vieilles de trente ans. Sur ce projet particulier, le ministère devrait donc suspendre le déploiement des fonctionnalités à destination du justiciable tant que la mise à disposition des outils métiers aux agents et des outils de communication avec les auxiliaires de justice ne sera pas effective ...
« La finalité première de la transformation numérique ne consiste pas à dématérialiser les procédures mais à améliorer les services rendus aux usagers, à renforcer leur efficience et à accroître la valeur ajoutée des missions confiées aux agents, tout en maîtrisant les coûts ». La Cour des Comptes indique aussi que « malgré des efforts récents, les besoins en matière de sécurité des systèmes d'information n'ont pas encore conduit à un renforcement suffisant. » Dans son rapport, la Cour propose neuf recommandations en matière de gestion et de stratégie. Au vu de ces observations, il souhaite savoir ce qui est prévu pour mettre un terme à tous les dérapages constatés.